« VOYAGER, C’EST NAÎTRE ET MOURIR À CHAQUE INSTANT »

VICTOR HUGO LES MISÉRABLES

L’esprit de Frontière.

De l’élaboration jusqu’au jour du départ c’est cet esprit qui m’envahit a chaque préparation de voyage

La respiration s’accélère, le cœur se gonfle, l’imaginaire s’envole.

 Après plusieurs départs on pourrait croire que ces sensations s’atténuent, se maitrisent, en fait il n’en est rien.

Le voyage est un perpétuel renouveau, comme l’a écrit Victor Hugo dans les misérables: « Voyager, c’est naître et mourir à chaque instant. »

Dans cette frontière imaginaire à chaque fois renouvelée, le temps s’allonge et l’esprit s’ouvre.

 Il n’est point de frontière ; les rencontres s’affranchissent des barrières sociétales, culturelles ou religieuses.

Je redécouvre à chaque fois le sens du mot humanité que notre sédentarité enferme dans un carcan de règles, de normes.

C’est bien de cette découverte de soi et des autres dont il s’agit et pas seulement « de la sortie de sa zone de confort » selon une  expression horrible et réductrice .

Le voyage pour moi est une démarche beaucoup plus profonde.

Depuis plusieurs années, j’ai un sac pour donner, un autre pour recevoir, le premier est visible, l’autre est dans mon cœur. 

Souvent je me suis trouvé démuni  face à l’accueil que j’ai reçu au cours de mes voyages.

Plus l’on s’éloigne des routes principales, plus l’accueil du voyageur est sincère et désintéressé.

Il m’est arrivé de refuser l’hospitalité, à mon grand regret et à grand renfort de sourires, parce que je n’avais rien à offrir, si ce n’est ma seule présence.

 Depuis je ne voyage jamais sans  ces deux sacs qui remplissent mon cœur. En Mongolie : trousses de premier secours, lampes dynamo, lunettes de soleil ou produits pharmaceutiques offerts par notre communauté de motards voyageurs et distribués au fil des rencontres, l’année dernière au Pakistan : mise en place d’envois de casques, cette année : une action différente…

Atteint du syndrome de la passion du voyage, ma Dopamine,  c’est une curiosité du monde, la connaissance d’autres cultures, de nouvelles terres, d’architectures, une invitation à la rencontre de l’autre, la  découverte de langues du monde sans les comprendre en écoutant le persan qui mêle perles, sucre, miel et musc, et qui aujourd’hui encore, après mille ans, est parlée par des Afghans, des Tadjiks (des peuples d’Asie centrale).  Ou encore en Sibérie, après plusieurs Vodka, en se retrouvant dans un bania  « баня » et parler couramment le Russe…

 Entre deux voyages, je prépare de futures aventures.

La planification du voyage prend alors toute son importance, elle nécessite de s’intéresser à chaque pays traversé, à son  histoire, d’analyser son relief, de calculer les distances.

Ces informations sont précieuses, non seulement pour prévoir les étapes, les bivouacs, mais également pour s’intéresser aux autochtones, comprendre comment ils vivent, se déplacent, échangent. 

On apprend ainsi à se déchausser, entrer sans poser le pied sur le seuil d’une yourte, s’asseoir à la bonne place, manger seul face à son hôte qui vous regarde.

la préparation de la moto est essentielle. Mes compagnes voyageuses portent toutes un nom ; à la lignée des Walkyries succède aujourd’hui Odyssée.

Je les équipe, je les révise,  j’essaie de ne rien laisser au hasard, même si tomber en panne peut aussi faire partie du voyage, cela je l’ai appris au fil du temps. Même dans les lieux les plus reculés,  il y a toujours une solution si l’on ne s’enferme pas dans nos habitudes occidentales.

L’assistance 24 heures sur 24 n’existe plus, on apprend à demander de l’aide et à en recevoir, à en offrir aussi ; sur la Pamir Highway j’ai partagé l’essence de mon bidon de secours avec un automobiliste Tadjik.  

Dévoreur de vent et de bitume, j’apprends chaque jour à renaître en nomade.

 Voyager seul est une découverte de soi, de ses capacités d’adaptation, d’observation, physique et technique.

Voyager seul :

 – c’est transformer ses craintes en victoire sur soi, mais aussi savoir renoncer pour mieux revenir.

– C’est apprendre à lire une piste, à s’arrêter pour mieux se reposer, ou écouter sa machine.

– C’est choisir sa route. J’ai une préférence  pour celles qui sont les moins évidentes, je choisis de plus en plus une celles qui me semblent les moins empruntées tout en étant praticables.

Aujourd’hui, Odyssey, ma 701 Husqvarna qui s’est « traillisée » va me permettre d’aller de routes en chemins, de chemins en sentiers vers de nouvelles frontières.

 « Two roads diverged in a wood and I took the one less travailles by” Robert Frost

– C’est apprendre à faire confiance ou se retirer ; les regards et les gestes « parlent » avant la voix.

Le voyage contribue à élargir nos sens, nos connaissances.

Des amitiés se nouent, Anton, Artem, Murat, Zohaib, Muhammad, Zoltan, Jens, Igor et d’autres. Ce sont des personnes que jamais je n’aurai rencontrées sans franchir ces frontières. Ces rencontres sont très souvent le fruit du hasard : A Shymkent, Murat m’aidera à traverser le Kazakhstan en train avec ma moto, Artem après deux soirées bien arrosées avec les Night Wolf fera traverser Walkyrie sur le transsibérien en wagon particulier. Anton nous amènera au pied du mont Elbruz en zone interdite, c’est aussi Mejet, qui apportera au Tsaatan de Mongolie, les cadeaux que de nombreux motards m’avaient confiés.

Ces moments de vies s’agrémentent de souvenirs extraordinaires  comme traverser Husseini Bridge en face des Passu Cones  au soleil couchant, découvrir pour la première fois  les hauts plateaux du Pamir ou les sommets de l’Indu Koush et du Karakoram, les vastes plaines de Mongolie où une rivière invite au bivouac, les plaines d’Anatolie contant l’histoire de Xerces et les conquêtes d’Alexandre sur l’empire Achéménide, ou plus simplement  se poser à l’ombre d’un Caravansérail, errer dans cette vieille citée iranienne en ruine d’Izaldkhvast où les mazdéens ont peut être écouté Zarathoustra … Ce sont là des émotions pures.  

Bien sûr, je rapporte aussi quelques souvenirs : une corne de Marco Polo, un fouet mongol, un fouet de Bushkazi afghan, un éléphant en jade d’Inde, du sable noir d’Islande, des pierres du Pamir, etc…

Tous ces souvenirs de voyages se sont construits peu à peu, années après années.

Des départs en groupe, même si parfois ce fut tumultueux, je garde toujours au cœur mes compagnons de voyage.

Aujourd’hui je voyage en solitaire ; ma frontière est repoussée toujours plus à l’est car c’est là que se trouve mon absolu.

Chaque tour de roue me rapproche d’un monde sans artifice ni mercantilisme et tend vers cette liberté et cette confiance en soi.

J’ai envie de dire que c’est ce qu’il y a de plus facile et de plus gratifiant, dépasser la peur, oublier les craintes et toutes ces excuses qui inhibent nos explorations.

Quelle que soit cette expérience, elle fera de ceux qui la vivent une autre personne.

Voyager, c’est aussi partager ses informations avec d’autres voyageurs, se reconnaître en l’autre, apprendre, se rapprocher ou se différencier mais l’essentiel reste dans la découverte.

Quand la simplicité, le partage s’expriment dans des récits, des articles de revues, lors de meeting voyageurs, une continuité de l’esprit d’aventure ouvre de nouvelles frontières pour d’autres.

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